THÈME SPÉCIAL: ESAÏE (Paternité et Unité)
I. Points de vue Juifs sur la paternité.
A. Le Baba Bathra 15a du Talmud dit qu’Ezéchias et ses hommes ont écrit (édité ou compilé) Esaïe, Proverbes, Ecclésiastes, et Cantique des Cantiques.
B. Ben Sirah, dans Ecclésiastique 49:17-25, écrit autour de 185 av. J.-C., a dit: “Esaïe, fils d’Amots,” a écrit le livre (1:1; 12:1; 13:1).
C. 2 Chroniques 32:32 atteste la vision d’Esaïe, comme le fait le parallèle du livre de Rois (2 Rois 18:19-20:19 nous parle de l’homme).
1. Il était issu d’une famille noble et riche de Jérusalem, peut-être même un cousin du roi Ozias.
a. Certains affirment que la terminaison “ie” (comme terminaison de noms), qui est une abréviation de YHWH, était presqu’une exclusivité de la royauté de Juda.
b. L’accès d’Esaïe auprès du roi Ozias donne également crédit à la possibilité de liens familiaux entre les deux
c. voir Talmud, “Meg.” 10b
2. Il était marié à une prophétesse (8:3).
a. son fils aîné s’appelait “Shear-Jashub,” qui signifie “un reste reviendra”
b. son second fils s’appelait “Maher-Schalal-Chash-Baz” (8:3), qui signifie “hâtez le pillage, précipitez sur le butin”
3. Le ministère prophétique d’Esaïe a été l’un des plus longs de tous les prophètes de l’Ancien Testament. Il était le porte-parole de Dieu dans Juda allant du règne de Jotham (742-735 av. J.-C.) à celui d’Ezéchias (715-687 av.
J.-C.), avec la probabilité d’avoir exercé jusqu’au règne Manassé (687-642 av. J.-C.); Manassé était probablement co-régent à partir de 696 av. J.-C.
4. Si 2 Chron. 26:22 réfère à Esaïe, il était alors le scribe et gardien officiel des chroniques royales du roi.
5. La Tradition dit qu’il a été scié en deux à l’intérieur d’une bûche (cfr. L’Assomption d’Esaïe) durant le règne de Manassé (cfr. Héb. 11:37).
D. Moïse Ben Samuel Ibn Gekatilla, vers l’an 110 av. J.-C., a dit que les chapitres 1-39 sont d’Esaïe, mais que les chapitres 40-66 ont été écrits au cours de la période du Second Temple (époque Perse, 538-430 av. J.-C.)
E. Ibn Ezra (1092-1167 ap. J.-C.) a suivi l’exemple de Gekatilla et nié, ou tout au moins remis en question, les chapitres 40-66 comme étant écrits par Esaïe au 8è siècle.
II. Points de vue de Chercheurs Modernes
A. Un bon résumé historique est fait par R. K. Harrison dans son livre ‘‘Introduction to the Old Testament,’’ Eerdmans, 1969.
B. Une bonne réflexion sur les raisons techniques à même de faire valoir la thèse de deux auteurs est présentée dans le livre de S. R. Driver intitulé ‘‘Introduction to the Literature of the Old Testament,’’ réédition de 1972.
C. Il n’a jamais été trouvé de manuscrits Hébreux ou Grecs (version de LXX) qui indiquent une division entre les chapitres 1-39 et 40-66.
1. Il y a un espace de deux lignes à la fin du chapitre 33 de Rouleaux de la Mer Morte. Cela implique une division à ce point, pas au chapitre 39.
2. Il semble y avoir une structure parallèle entre les chapitres 1-33 et 34-66. Cette structure double portant sur l’époque même de l’auteur, puis sur le futur, était courante chez les prophètes Hébreux (cfr. Ezéchiel, Daniel,
et Zacharie).
D. Il n’y a pas unanimité parmi les chercheurs modernes quant au nombre d’auteurs qu’il faille retenir, ni à quel endroit diviser le livre.
III. Quelques raisons en faveur de l’unité du livre
A. Il y a dans les deux sections d’Esaïe 25 termes qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans l’Ancien Testament (NIV, ‘‘Intro. to Isaiah,’’ p. 1014).
B. Le titre “Le Saint d’Israël” apparaît 13 fois dans les chapitres 1-39, et 14 fois dans les chapitres 40-66, et seulement 6 fois dans tous les autres livres de l’Ancien Testament
C. Jésus, dans Jean 12:38,40, a fait une citation tirée d’Esaïe 53:1 et 6:10 et a attribué les deux citations à Esaïe
D. Des passages tirés d’Esaïe 40-66 sont attribués à Esaïe dans Matthieu 3:3; 8:17; 12:17; Luc 3:4; 4:17; Jean 1:23; Actes 8:28; et Rom. 10:16-20.
E. Aucun manuscrit ne comporte une évidence d’une division du livre au niveau du chapitre 39 (Textes Massorétique, DSS, ou la LXX).
F. Il n’y a aucune mention historique d’un grand prophète (Deutéro-Esaïe) au 6è siècle.
R. K. Harrison a fait un commentaire à ce sujet dans ‘‘Introduction to the Old Testament’’:
‘‘Des débats sur le style littéraire étaient fortement en vogue à la fin du 19e siècle, mais face à l’éclosion d’une plus grande connaissance de langues du Proche-Orient Antique, ils ont pris une position beaucoup moins importante.
La subjectivité même de considérations stylistiques avait un grand attrait pour les adeptes de la théorie de l’analyse littéraire de Graf-Wellhausen, qui ne trouvaient aucune incompatibilité à lire attentivement des écrits attribués
à un auteur Biblique, puis après, lui dénier les parties de ce même corpus parce que la forme littéraire et le vocabulaire de chaque chapitre ne paraissaient pas identiques. Apparemment, il ne venait pas à l’esprit de ces pre-
miers investigateurs qu’il était possible de dériver quelque concept du style d’un auteur antique comme résultat d’une étude attentive de tous les écrits attribués au dit auteur, et que le rejet subséquent de tout ou partie de ce
corpus ne pouvait être validé que sur la base d’un contrôle externe rigoureux’’ (p.776)
IV. Quelques raisons en faveur de la paternité multiple d’Esaïe.
A. Le nom ‘‘Esaïe’’ n’est pas mentionné dans les chapitres 40-66.
B. Les chapitres 40-66 ne correspondent pas au contexte historique d’Esaïe.
C. Il semble y avoir un mélange des références d’Esaïe avec:
1. l’invasion, l’exil, et le châtiment de l’Assyrie
2. l’invasion, l’exil, et le châtiment de Babylone
D. Parmi les raisons en faveur de la théorie d’une paternité multiple il y a:
1. un changement de cadre historique
a. une pré-invasion de Juda, 1-39
b. l’exil, 40-55
c. un Juda post-exilique, 56-66
d. Dans Esaïe 1-39 le Temple ne sera jamais détruit, tandis que dans 40-66 il est apparemment déjà détruit. L’auteur semble être en exil.
2. un changement de termes pour désigner les élus de Dieu
a. un enfant Messianique
b. un Serviteur Souffrant
c. Israël comme
(1) épouse, 50:1
(2) serviteurs de YHWH, 54:17
E. Les chercheurs conservateurs modernes
1. E. J. Young a fait une déclaration utile à propos de chapitres 56-66: “une autre possibilité est que ce sont des prophéties prononcées par différents prophètes de l’école Esaïe sous la direction de l’Esprit et collectionnées
par un éditeur autour des thèmes fondamentaux de cette section,” (p. 188).
2. R. K. Harrison a dit ce qui suit: “Le présent auteur tient à l’idée qu’Esaïe, comme la majorité des autres écrits prophétiques, représente une anthologie de paroles prononcées à divers moments, et en tant que tel, l’oeuvre
ne mérite aucun traitement différent de celui accordé aux autres prophéties majeures de l’Ancien Testament. À cet égard, il est important de noter que les arguments fondés sur les différences de style ou d’expression lit-
téraire sont immédiatement viciés par cette approche, car une anthologie peut bien être considérée comme représentant la totalité du style de l’auteur sur les différentes périodes de son activité créatrice. La justification
pour décrire le travail d’anthologie dans le meilleur sens de ce terme est fournie par le premier verset de la prophétie, lequel constitue l’intitulé de l’oeuvre, et parle spécifiquement de la révélation qu’Esaïe, fils d’Amots
avait reçue en visions à propos de Juda et Jérusalem au temps d’Ozias, de Jotham, d’Achaz, et d’Ezéchias. Comme avec toutes les anthologies, il est assez évident que le livre ne contienne qu’une sélection des oracles et
sermons prophétiques disponibles, et il est fort probable qu’Esaïe ait annoncé considérablement plus de choses que ce qui a survécu dans son livre. La nature de la prophétie en tant qu’anthologie est davantage indiquée
par la présence des superscriptions dans Esaïe 2:1 et 13:1, lesquelles représentaient peut-être, ou mettaient en evidence la présence, des collections antérieures de paroles prophétiques,” (p. 780).
F. Le style littéraire des chapitres 40-66 est différent de celui des chapitres 1-39.
V. Observations finales sur la paternité
A. Des chercheurs pieux continuent à disconvenir sur la façon dont notre livre d’Esaïe dans l’Ancien Testament en est arrivé à sa forme actuelle (cfr. Les DSS et le TM). L’accent principal doit être mis sur son inspiration et sa fiabi-
lité à révéler le caractère et les desseins de YHWH.
B. Nous devons rejeter toute présupposition qui nie la fidèle révélation de Dieu à travers Esaïe. Cela inclut le rejet a priori de la prophétie prédictive et le rabaissement de l’Ancien Testament au niveau d’un récit historique exclu-
sivement humain et contemporain.
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